mardi 7 septembre 2010

"Vous pouvez bien attendre un peu"

Aéroport Ben Gourion. Tel Aviv. On descend une grande allée en marbre. Pour déboucher sur une longue file d’attente. Au bout, des jeunes femmes en uniforme bleu attendent nos passeports dans leur petite cabine.  À chacun son tour. Ca ne rigole pas.  Elles vérifient sur leur écran d'ordinateur  notre identité,  jettent un  regard direct et froid  sur chaque  visage.  Ca prend  du temps. Il  est  tard  et  tout  le monde  est  impatient  de respirer l'air de cette terre, berceau des trois religions monothéistes.

La  soixantaine,  chapeau  et  costume noir, derrière sa belle  barbe blanche mon voisin  de  file d'attente  a  le sourire de  celui  qui rentre à la  maison  retrouver  les  siens.  Il s’amuse de l’impatience des pèlerins français, ce groupe fatigué et impatient d’en découdre avec la terre d’Israël. 

"Vous pouvez bien attendre un peu.  
Nous, on a attendu deux mille ans avant de revenir"

 “Vous pouvez bien attendre un peu, lance-t-il. Nous, on a attendu deux mille ans avant de revenir”.
Ce n'est pas qu'une boutade.

Terre sainte, Israël, Palestine, Cisjordanie, Territoires occupés, etc


Quelques heures plus tôt, nous avons rejoint notre groupe, à Roissy. Eux arrivent de Normandie, diocèse d’Evreux. Nous du Berry. Faire ce voyage avec des inconnus, ça me va très bien.
Sac à dos, guides touristiques, foulard jaune du pèlerin, chacun sa Bible. L’envol vers Tel Aviv se fait dans une zone réservée.
Dans l’avion, on a tout le temps de s’imaginer ce qui nous attend. Complexe. Depuis que ce voyage est décidé, je ne sais trop dire où je vais : Terre sainte, Israël, Palestine, Territoires occupés, Territoires palestiniens, Cisjordanie. Embarqué avec un groupe de catholiques – dont deux prêtres, une sœur et un diacre - à la rencontre des chrétiens, je vais assurément en Terre sainte. Mais quand je parle de ce voyage, je rajoute toujours Israël, comme si cette Terre sainte ne reflétait pas toute la réalité de ce voyage. (Carte)

Si je pars rencontrer des chrétiens et visiter des lieux saints, je pars aussi dans un pays en guerre Avec l’envie de voir, écouter et tenter de comprendre. Et une phrase en tête, entendue dans la bouche d’un habitué de ce voyage : “À chaque fois que je reviens, je trouve la situation encore plus complexe”. En fait, je pars d'abord pour voir et essayer de me faire ma propre opinion.

Quelques mois avant, Gaza était sous la mitraille


Nous sommes en mai 2009. En décembre 2008, Gaza était sous la mitraille. Les réservations pour le voyage se sont arrêtées avec l’opération israélienne contre ce petit bout de terre palestinien aux mains du Hamas, coincé entre la mer et Israël. Ceux qui sont dans l’avion ne sont pourtant pas des aventuriers. Une sœur qui fait là le voyage de sa vie, offert par ses condisciples. Un couple “pittoresque” de Normands, qui regrettent déjà leur petit-déj' au camembert et qui auront du mal à suivre le rythme. Une jeune femme qui a pour projet de se faire baptiser l’année suivante dans le Jourdain ; elle est en repérages. Deux frangines, des couples, des femmes seules. Des croyants mais aussi des mal-croyants (je me classe plutôt dans la seconde catégorie). Et nous, couple de trentenaire, attirés à la fois par l'idée de découvrir les lieux de la Bible en vrai et l'envie de mieux comprendre ce qui se joue ici. Observateur, avec un maximum de recul sur ce que je vais voir. 
Et puis, Jérusalem cela ne se refuse pas.



C’est à mon tour. Derrière sa vitre, une très jeune femme dont on voit à peine le visage. J’imagine qu’elle fait son service militaire ici. Le motif de mon séjour ? Tourisme. Mon anglais ne va guère plus loin. Elle regarde les passeports assez longuement, tape sur son clavier, scrute son écran. Et finit par poser le tampon bleu de l’État d’Israël sur le papier.

Avant d’en arriver là, Daniel (le chef du groupe) avait conseillé de faire poser le tampon sur une feuille volante, pour éviter les problèmes futurs lors d’un hypothétique voyage en terre arabe (Jordanie, Syrie…). Nous avons préféré faire tamponner notre passeport.
Une sorte de marque de courtoisie pour le pays qui nous accueille.

A suivre : Premier jour, première gaffe

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